Severo Sarduy est né à Camagüey, Cuba, en 1937, décédé en 1993 à Paris. Il a dirigé, en 1959, les pages littéraires de Diario Libre, à la Havane. Vit en Europe depuis 1960.
Écriture pour la radio et collaboration à Tel Quel, Liberté, le journal cubain Gramma.
Ses livres 'Gestes' (1963), 'Écrit en dansant' (1976), 'Cobra' (1972), 'Barroco' (1975), entres autres, l’ont imposé comme l’un des écrivains de la modernité cubaine en exil.
Autres oeuvres : 'Big Bang' (poèmes, 1974), illustrations Ramón Alejandro. 'Big Bang' (Éd. française : Fata Morgana, Montpellier, 1973) ; 'Para la voz' (1977) ; 'Maitreya' (1978), 'Maitreya' (Éd. française : Seuil, Paris, 1980) ; 'Daiquiri' (1980) : 'Colibrí' (1984), (Éd. française : 'Colibri', Seuil, Paris, 1986) ; 'Cocuyo' (roman, 1990) (Éd. française : 'Pour que personne ne sache que j’ai peur', Gallimard, Paris, 1991) ; 'Pájaros de la playa' (1993) (Éd. française : 'Les oiseaux de la plage', Gallimard, Paris, 1994) ; 'La Plage', théâtre, mise en scène par Simone Benmussa au Théâtre du Rond-Point (1977).
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Orishas
[publié dans RN 09 Caraïbes en décembre 1992,
texte original en Espagnol-Cuba
traduit en français par l'auteur]
Ochun (V)
Elle apparaît au bord du fleuve :
un bracelet d’or bruit.
Un cerf fend l’unisson
dans l’ambre de l’été.
Les miroirs sont pour l’ennui.
Luisance du miel.
Tournesol du pot de terre.
Effrontée mulâtresse,
le santal la célèbre.
-Dit de Lydia Cabrera
Oya (VII)
Mont noir, nuit noire ;
lueurs d’éclairs, et deux épées.
Que demeurent fermées
les portes de l’édifice funèbre !
Son pas, qui se hâte,
et le marbre baroque et austère
recèlent tout mystère.
Entre neuf couleurs,
des faux, des cierges et des fleurs,
elle veille, la doyenne du cimetière.
Olukun (IX)
Mi-homme mi-poisson,
sept chaînes le retiennent
au-delà des sables.
J’ai une fois rêvé de lui :
la rondeur de son visage
buriné de marques tribales
et ses yeux vides d’abysses
conjuraient le mauvais sort.
Lèvres amères, seize
cauris rituels sur le tablier.
Yemaya (X)
Mère des eaux, Nouvelle Lune :
pour triompher de l’infortune,
j’offrirai une tourterelle,
un agneau à la mer austère.
La vie prend la mort avec elle.
Une croix de coquille d’œuf broyée
sur le front jaune-vert,
et tu cueilleras mon dernier souffle.
Contre vents et marées
je m’en irai. Vers l’autre rive...
Severo Sarduy
[extraits de 'Orishas']
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Orishas
[texte original en Espagnol-Cuba]
Ochun (V)
Aparece junto al rio :
rumor de pulseras de oro.
Un venado cruza el coro
en el ámbar de estío.
Espejos para el hastio !
De la miel, la brilladera.
Girasol en la sopera.
Mulata de rompe y raja,
el sándalo la agasaja
– Lo dice Lydia Cabrera
Oya (VII)
Monte oscuro, noche oscura :
centellas y dos espadas.
Deje sus puerta carradas
La fúnebre arquitectura !
Su paso, que se apresura,
y el mármool barroco y serio,
sellarán todo misterio.
Guarda, tras nueve colores,
guadaña del cementerio.
Olukun (IX)
Mitad hombre, mitad pez,
yace con siete cadenas
má allá de las arenas.
En sueño lo vi una vez :
del rostro la redondez
con hondas rayas tribales
y ojos blancos abisale
ahuyenta ese mal severo.
Boca abajo, en el tablero,
dieciséis cauris ritueles.
Yemaya (X)
Madre de agua, Luna mueva :
una paloma, un cordero,
ofreceré al mar austero,
para pasar esta prueba.
La vida muerte convella.
Una cruz de cascarilla
sobre la frente amarilla :
firmarás mi último aliento.
Y contra marea y viento
remaré. Hasta la otra orilla...
Severo Sarduy
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