KINSHASA 1960-2020

Exposition KINSHASA 1960-2020 photographies de Jean DEPARA et Alain NZUZI POLO — Cloud Seven, 7 quai du Commerce, Bruxelles — 20 janv.-28 mars 2024 — Brafa Art Fair — Photo Brussels Festival
Exposition KINSHASA 1960-2020 photographies de Jean DEPARA et Alain NZUZI POLO

Exposition 20.01.2024 > 28.03.2024

CLOUD SEVEN — 1000 BRUXELLES

7 Quai du Commerce
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KINSHASA 1960-2020

De la florescence des sentiments de Jean Depara 

au chaos poétique et charnel d’Alain Nzuzi Polo

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commissaires Jean Loup Pivin & Pascal Martin Saint Leon

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KINSHASA des années 1950-1970 de Jean Depara et Kinshasa de 2020 d’Alain Nzuzi Polo pourraient s’ignorer alors qu’elles s’embrassent à travers le temps. Pourtant tout a changé, la taille de la ville passée de 400.000 habitants à plus de 16 millions d’habitants, la présence envahissante et moralisante des églises évangélistes, le pouvoir dont la population ne sait pas quoi en attendre, les difficultés économiques et la survie… Si les jours et les nuits sont devenus plus compliqués, la profonde vitalité de chacun est là, certain que le mauvais moment pourra être dépassé et l’on fera tout pour ne pas en paraître la victime, au moins par les signes extérieurs. L’admiration à provoquer dans le regard de l’autre, fait partie de la dignité de chacun.

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Dans leur belle Américaine décapotable [Chevrolet Two-Ten convertible V16 de 1950-1953]Kinshasa ca.1955-1965 – © Photo Estate Depara
Dans leur belle Américaine décapotable [Chevrolet Two-Ten convertible V16 de 1950-1953] Kinshasa ca.1955-1965 – © Photo Estate Depara

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Nous tenions à ce contrepoint d’un jeune photographe d’aujourd’hui, qui passe du regard sur lui-même à celui du monde virtuel, aux images de Depara d’un hier rayonnant fondateur. Trois générations les séparent, une éternité. Chacun vit sa ville comme un espoir, un espoir entier pour le plus ancien, un espoir peut-être déçu pour le dernier. Pour les deux une force, un élan que l’on pourrait dire « vital », quelles qu’en soient les circonstances.
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série "Ma fenêtre en papier", Kinshasa 2020 © Photo Alain Nzuzi Polo
série "Ma fenêtre en papier", Kinshasa 2020 © Photo Alain Nzuzi Polo

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Depara avec ses yeux toujours rieurs, son élégance et sa distance aux événements, me disait en 1996 s’être engouffré sans retenue dans les nuits et les jours de la vitalité joyeuse de sa ville au carrefour des dernières années du règne belge et de la première décennie de l’Indépendance, vingt ans de photographie d’une vie dansante et chantée, d’une vie aimante et aimée. Nzuzi Polo avec sa jeunesse, ses envies multiples, de la photo aux installations, de la performance au chant, a fini par partir de son pays à 25 ans pour y revenir et nous donner à voir une autre poésie de la ville, une autre sensualité, une autre familiarité. De la florescence des sentiments de Depara au chaos poétique et charnel de Nzuzi Polo.
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Bodybuilders au Complexe sportif de La Funa © photo Estate Jean Depara
Bodybuilders au Complexe sportif de La Funa © photo Estate Jean Depara

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Il est important de ne pas encombrer de mots ces images que certains voudront toujours attacher à la colonisation, au néocolonialisme, au patriarcat machiste, au capitalisme forcément sauvage et autre gromologie qui transforme le moment de prendre la photo en un discours qui n’a jamais été tenu et que l’on ne peut qu’abusivement lier à l’inconscient du photographe dans le contexte social et politique du moment. Ce serait nier sa propre liberté, son propre désir et sa propre pensée : son être et sa vie. Le monde des formes existe dans sa richesse et son mystère, quelle qu’en soit son expression : de la photo à la poésie, en passant par les arts plastiques et la danse. Le monde des formes n’est pas réductible au langage et à l’écrit, comme notre époque cherche à le faire croire, il a son autonomie et montre un autre rapport au réel, à la pensée, aux sens, à la vie. L’art peut être engagé ou hédoniste, cela n’enlève rien à son immédiateté de perception et à sa profondeur.
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Kinshasa 2020, série "Ma fenêtre en papier" © photo Alain Nzuzi Polo
Kinshasa 2020, série "Ma fenêtre en papier" © photo Alain Nzuzi Polo

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Nos choix d’images (faite avec Alain Polo pour celles qui le concernent), n’ont en aucun cas cherché à vouloir créer un discours, malgré ces quelques lignes qui ne veulent qu’affirmer deux talents dont Kinshasa est le trait d’union et l’inspiration.
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série "Chambre", Kinshasa 2020 © photo Alain Nzuzi Polo
série "Chambre", Kinshasa 2020 © photo Alain Nzuzi Polo

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Si l’on peut parler de deux photographes essentiels de la photographie africaine, voire de la photographie tout court, il faut reconnaître à Kinshasa l’invention et la liberté qu’elle donne aux artistes, loin devant les autres capitales africaines. Quand on parle de Depara, on le rapprochera du Malien Malick Sidibé à la notoriété que le marché a participé grandement à lui donner, du nigérien Philippe Koudjina moins connu, et bien d’autres… : même époque de l’Indépendance, même énergie, même volonté de témoignage, mais pas le même pays ni la même ville. Et c’est probablement là que Kinshasa dans ses turpitudes et ses violences emmène les talents à leur paroxysme.

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Jean loup Pivin et Pascal Martin Saint Leon, commissaires de l’exposition

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Alain NZUZI POLO
KINSHASA 2020
“Ma fenêtre en papier“

Alain NZUZI POLO, né en 1985 (Kinshasa, RD Congo)
vit et travaille entre Paris et Kinshasa depuis 2015.

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série "Ma fenêtre en papier" Kinshasa 2020 © photo Alain Nzuzi Polo
série "Ma fenêtre en papier" Kinshasa 2020 © photo Alain Nzuzi Polo

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Alain Polo réalise sa première série photographique “Le jeune homme à la veste” entre 2008 et 2009 à Kinshasa. Il a alors 23 ans. Il attendra 2 ans avant de montrer ses images et d’affirmer sa propre nature dans un environnement plus qu’hostile envers ceux qui ne rentrent pas dans la norme hétérosexuelle, dans la norme tout court.
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Dans cette première série, les cadrages photographiques ne laissent voir que des morceaux de corps désarticulé dans l’atmosphère sombre d’une chambre à peine dévoilée. Quelques éléments d’apparat et objets insolites s’amusent d’une réalité fantasmée, parfois dans le monde lointain et imaginaire des magazines de mode occidentaux. Ces autoportraits révèlent un moment intime de doute de son image qu’il multiplie dans les reflets des miroirs brisés. Une mise en abîme d’un soi qui bouleverse le regard.

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Diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa en 2006, Alain Polo crée avec ses amis d’école le collectif “SADI” (“Solidarité des Artistes pour le Développement Intégral) remarqué par ses performances urbaines, notamment dans le ‘village de l’érosion‘ du Mont Gafula, quartier populaire de Kinshasa où le groupe intervient sur des maisons habitées qui s’écroulent à chaque grande pluie dans les ravines infranchissables.
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Diplômé de l’École supérieure d’Arts décoratifs de Strasbourg en 2014, Alain Polo s’installe ensuite à Paris mêlant dans son travail photographie, installation et performance sans hésiter non plus à toucher à la mode et la musique ainsi que le monde queer, de plus en plus présent dans sa recherche : le travestissement comme « image rêvée en jouant le rôle de “Belle-Garçon” comme il aime s’appeler. Pose élégante, tenue sexy, l’artiste se métamorphose en poupée de désir, exhibant la quasi-totalité de sa peau charnelle et devient à son tour objet de consommation dans ce monde fictif » comme le dit son amie Jessica Soueidi.
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La recherche de l’image intime et cachée de chacun s’inscrit dans sa propre image et ses fantasmes. Il explore les réseaux sociaux, en découpe les images, les manipule et crée un panthéon virtuel de ses icônes, de son idéal de “beauté”.
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Dans sa “Série Blanche“ (2017) montrée aux Rencontres de la Photographie Africaine de Bamako, chaque personnage fantôme nappée d’un voile blanchâtre, furtif et pourtant si présent renvoie aux moments de ses désirs profonds, toujours drapés.
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Un retour à Kinshasa que nous provoquons en 2020 pour montrer la ville où vit le sculpteur Pume Bylex, un artiste que nous exposons au Familistère de Guise avec lui la même année, lui fait aborder sa ville à travers un cadre de papier ou un personnage en papier découpé plus ou moins habilement tenu devant l’objectif. Les images du quotidien changent de nature pour fuir la réalité et devenir explicitement un regard.
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Ici à Bruxelles nous montrons ses images de Kinshasa ponctuées d’images plus anciennes où les corps reprennent le dessus. Chair, poussière, objet abandonné, mer de bouteilles plastiques, silhouettes, jambes et mains caressées, visage, le sien, celui des autres, ses sens : une petite musique qui revient dans toute son œuvre. Dans tout son sourire.
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Alain Polo avec son apparence et sa gestuelle de jeune homme enjoué montre un travail sombre et profond, inquiétant et poétique, sensuel et sexuel. Miroir de lui-même.

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Jean loup Pivin et Pascal Martin Saint Leon, commissaires de l'exposition
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Jean DEPARA
NIGHT AND DAY IN KINSHASA 1960

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Jean DEPARA (Jean Lemvu D. Parent, Angola 1928 - Kinshasa 1997)
Actif à Kinshasa de 1955 à 1975
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Auto-portrait de Jean Depara, dos à dos avec un ami © photo Estate of Depara
Auto-portrait de Jean Depara, dos à dos avec un ami © photo Estate of Depara

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Jean Depara a photographié Kinshasa à l’époque charnière de l’Indépendance, en 1955-1965, un peu plus tard pour certaines prises de vue. C’est, à ses premiers jours à Kinshasa en 1951, à l’âge de 23 ans, un jeune homme sans métier, perdu dans cette mégalopole. Et comme tous ceux qui ont cru en cet eldorado où trouver un travail facile et avoir une vie aisée, il va déchanter.
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Lors de ses sorties, il rencontre de jeunes garçons habillés en cowboy, les ‘Bills’, qui se sont organisés en bandes, s’entraident, sont respectés par la population, et semblent avoir gagner leur liberté même s’ils sont à l’origine de quelques larcins qui les mettent à mal avec les autorités belges. Ce qu’aucun bon Congolais ne critiquerait, ‘Ce qui est au peuple est à moi’, selon un slogan Bill. Ils expriment leur raz-le-bol envers cette société moralisatrice. Depara aime cette vie anarchique entre copains, animée jour et nuit, de bars clandestins en dancings des cités africaines et night-clubs huppés fréquentés par les Européens et les évolués. Ou dans les clubs de musculation et à la piscine de La Funa. Avec les sociétés féminines de mode et les belles Kinoises. La vie y semble facile.
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Après quelques petits boulots et avoir réparé des appareils de photo, Depara prend conscience qu’être photographe est fort honorable. Il n’ouvrira un studio qu’entre 1956 et 1966, rue Kato puis avenue Itaga, dans le centre animé des nuits de Kinshasa. Sans délaissé son travail rémunérateur de portraitiste de studio, plusieurs centaines de millier de clichés, il va se passionner dès 1953 à photographier sa vie à Kin. C’est là qu’il pourra exercer en toute liberté son regard malicieux de noctambule et d’homme à femmes. ‘Vivre vite et mourir’ disent ses amis Bills.
Avec la photographie, il va pouvoir fixer ce temps éphémère de sa propre jeunesse, raconter son roman et montrer remarquablement la vitalité et les bouleversements que connaît Léopoldville-Kinshasa à ce moment si particulier de la décolonisation, de la découverte de la modernité, à l’encontre des mœurs traditionnelles et des contraintes des autorités, et d’ouverture sur le monde.
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Son appareil ne le quitte jamais de jour comme de nuit, avec son flash en bandoulière ‘comme un arc tendu’, dit-il en bon ‘cowboy africain’, le Bill qu’il est. Pas de folklore ni de voyeurisme, l’œil aiguisé de Depara ne rate jamais son sujet. Chez Depara, les sujets ne sont pas prisonniers d’une image à défendre mais naturels et spontanés. Il connaît bien cette vie kinoise et tous le connaissent. C’est sa vie et son décor que nous fait partager le photographe dans chacune de ses images. Il court dans ces univers dont il est lui-même l’un des acteurs. Il est là au même titre que les amoureux épris, les musiciens, les filles de la nuit, les barmaids affriolantes, la patronne souriante et attentive de l’Afro-Negro Club, du Champs-Élysées, du Fifi, du Show Boat, du Kongo Bar ou du Ok Bar, celui où joue son ami Franco et son orchestre Ok Jazz.
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Cette période, bénie pour lui, s’est étalée jusque dans les années 1975. Il n’est pas lassé mais les temps ont changé. Sa jeunesse est passée, le soleil des Indépendances a commencé à se voiler avec un climat politique crispé et une envie de stabilité dans la population. La photographie couleurs moins exigeante a pris le dessus. Et notre dilettante n’aime pas le combat commercial à la petite semaine. Après une courte période au ‘Studio-Photo Gentil’ de Patrice Nzoko, il est engagé comme laborantin attaché au Parlement en 1975 avant de se retirer en 1989.
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‘Je suis devenu sage’ — nous dit-il de lui-même en souriant, malicieux, avec un regard de connivence pour raconter sa vie, son bonheur d’avoir vécu et photographié ce qui n’a rien eu de sage.

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Jean loup Pivin et Pascal Martin Saint Leon, commissaires de l'exposition
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Tous deux architectes et fondateurs de Revue Noire Éditions en 1990 avec Simon Njami et Bruno Tilliette.
Pascal Martin Saint Leon est directeur artistique de la maison d’édition tandis que Jean Loup Pivin, éditorialiste, se consacre à l’écriture et à la critique.
Comme architectes, ils ont conçu le Musée nationnal du Mali à Bamako en 1981 et le Centre des Arts et Métiers Multimedia à Bamako avec Bruno Airaud.
Scénographes et commissaires, ils ont réalisé de nombreuses expositions dont la création de la biennale des images du monde “PhotoOUAI“ pour le Musée du Guai Branly à Paris en 2007.
En tant qu’architectes, ils ont réalisé en Afrique notamment le Musée National du Malien 1981 agrandi en 2002.
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Franco, maestro de la rumba kinoise © photo Estate Depara
Franco, maestro de la rumba kinoise © photo Estate Depara

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