De l'impossible commentaire
par Jean Loup Pivin
Parce que l’écrit se voulait essentiellement littéraire - une forme -, peu ont compris la contestation que recelait la forme elle-même de Revue Noire. Comme si ceux qui « lisaient » Revue Noire, ne savaient pas lire le simple fait que les formes sans commentaires disaient en elles-même la contestation du commentaire : on comprend aujourd’hui mieux les choix de nombreux commissaires qui ont besoin d’artistes bavards pour comprendre leurs œuvres.
D’où avec le temps, le renforcement de notre doute sur la capacité critique de l’histoire de l’art à regarder les expressions contemporaines d’autres mondes. Ce n’est pas parce que l’histoire occidentale de l’art occidental était écartée qu’elle était reniée par ailleurs, sachant sans ambiguïté que nos propres regards étaient ceux nourris par cette histoire.
Mais nous tentions avec les outils que nous avions – revue, films, expositions – et les formes de fabrication – comités de rédaction sur place, articles rédigés par des personnalités du pays - d’affirmer aussi cet autre regard, parfois léger, tout le temps ouvert même si certains le voyait partisan.
Nous étions et sommes toujours des gens qui savent ce qu’ils ne veulent pas, et un pas totalement ce qu’ils veulent. Aujourd’hui à la veille d’un renouveau, il est évident que ce que l’on cherche est encore plus cette liberté, cette quête du désir et de sens qui se niche au cœur des formes.
La logorrhée contestatoire d’une société à travers des symboles basiques ne nous intéresse pas. La contestation par les formes est forcément sur l’essentiel, les formes ne peuvent en faire plus et ce n’est pas Guernica de Picasso qui a mis fin à la guerre d’Espagne, ni les voiles de Shirin Neshat qui rendront humaniste les formes qui nous semblent les plus barbares de l’islam.
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par Jean Loup Pivin
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